Balade d’automne...
Scrrt, sccrrrt, scrrriiit !! Tiens, qu’est-ce que c’est ?
Elle n’est pas inquiète, pas vraiment. Intriguée plutôt. Elle regrette d’être partie seule aussi, elle aurait dû emmener Frisette avec elle. Mais elle est partie sur un coup de tête, une envie subite de profiter de sa journée de congé imprévue. Envie de marcher, envie de pousser jusqu’au Val sans Retour, sa balade préférée. Elle veut faire le grand tour, pas seulement saluer l’ « Arbre d’Or ». Il fait trop froid aujourd’hui pour s’y attarder, elle y jette un coup d’œil et entame le tour du « miroir aux fées ».
SCRRRR ! Voilà que ça recommence… SCrrrrrrrrrrrrrrr ! Avec des modulations cependant ce qui aurait tendance à l’inquiéter un peu plus encore. Ca ne ressemble pas au bruit de froissement que font les ailes du merle dans les fourrés, ni celui du lapin qui détale à son approche…
Elle reprend sa marche doucement, en écoutant le crissement des feuilles sous ses pas mais aussi, le clapotis de l’étang, le bruissement du vent, le cri des corneilles qui se parlent de baies. Elle aime venir ici se ressourcer auprès du miroir aux fées. Pas le dimanche, pas non plus pendant les vacances qui voient affluer les promeneurs. Elle ce qu’elle aime c’est être seule pour puiser l’essence du lieu.
SSSKrcaaKKKKK !! Elle sursaute et se retourne. Toujours rien et pourtant elle sent les poils de ses bras se hérisser. Un long frisson monte le long de sa colonne vertébrale… Allons, c’est l’automne, les feuilles craquent, par moments un gland ou une châtaigne se détache dans le sous-bois. Elle se redresse et tente de faire le vide. Ou plutôt le plein. Le plein de beauté car l’écrin du miroir aux fées est un tableau de toute beauté sans cesse renouvelé. L’eau frissonne au moindre souffle comme si les fées habitaient toujours le lieu. Elle aime contempler le paysage qui l’entoure, il se pare de l’or des ajoncs dès les prémices du printemps et aujourd’hui, dans le froid de novembre, c’est la timide bruyère qui rosit sa roche abrupte.
Hi ! Elle sursaute de nouveau. Là, ce n’était pas le craquement d’une feuille. Aurait-elle des acouphènes ? Elle arrive au bout de l’étang et va entamer la montée pour rejoindre les roches qui surplombent le miroir. Un petit effort qui la fait souffler et demande son attention car le sol est glissant. Elle sent dans son cou comme un souffle… le feuillage ne tremble pourtant pas. Hi Hi… hi hi hi… ! Ho nonnnnnnnnnnn la voilà qui, après avoir dérapé sur un amas de feuilles glissantes dans le mouvement qu’elle a fait pour voir d’où provenait ce petit rire aigrelet et ironique. La voilà qui, dis-je donc, se retrouve à dégringoler le long des quelques mètres qu’elle vient de monter. Cette fois sur les fesses et complètement désemparée !
En effet, le rire ne fait que redoubler « hihihi !! hahaha ! regardez-là » croit-elle entendre. Elle reste assise (ou plutôt à demi couchée) au bas de la pente.
Maintenant, elle entend chuchoter. Mais oui, c’est ça, maintenant qu’elle est couchée dans l’humus, elle perçoit mieux les mots entrecoupés de rire :
« tralala, elle est tombée » « hihihi, oui, la grande perche a glissé » !!
Elle rougit violemment tout en se disant qu’elle rêve. Elle plisse les yeux et regarde tout autour d’elle et là, sur un coussinet de mousse bien verte, elle les voit. Deux créatures absolument délicieuses. Leurs formes sont parfaites et leurs visages exquis. Elles sont vêtues, malgré le temps frisquet, de tissus diaphanes aux couleurs charmantes parsemés d’or et d’argent et leurs dos sont ornés de deux ailes irisées. A l’instant, elles sont pliées de rire en la regardant et reprennent leurs chuchotements dans de grands hoquets de rire.
«Elle ne sait pas marcher, elle ne saura pas danser et les Korrigs vont lui jeter un sort, aidons là, aidons là, elle est trop drôle »
Toute étourdie, le fessier et l’amour propre endoloris, elle les regarde ahurie.
- Mais qui, que, qu’est-ce que…
« hi hi hi, elle ne sait pas parler, elle ne sait pas chanter ils vont la faire tourner »
- Mais que dîtes-vous, de quoi parlez-vous, de qui surtout ??
« On lui dit, dis ? Hi hi hi ! Elle est si drôle avec son drôle de chapeau. Tu crois qu’elle voudra bien nous donner des cheveux ? »
- Mais enfin, qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? (Voilà qu’elle parle à des Fées !!.. ou à ce qui ressemble à des Fées mais elle a beau être une véritable brécilienne, elle a du mal à y croire)
« Tu nous donnes un cheveux et tu peux faire un vœux, deux tu nous en donnes et on te protège des gnomes, tu nous en donnes trois et protégée tu resteras hi hi hi »
Voilà, c’est ça, elle a du tomber sur la tête. Et puis d’où viennent ces chants que soudain elle entend ? Et ces multitudes de pas ?
« hi hi hi, ce sont les Korils, ceux du haut qui viennent te chercher pour te faire danser. Ha ha ha tu ne sais donc pas que c’est Samain aujourd’hui ? hi hi hi nous sommes tes amies, tes cheveux tu nous donnes et nous te protégeons mignonne »
Puisqu’elle croit rêver, puisque ça ne peut pas exister, elle se défait de chapeau et barrette et leur offre sa chevelure…
« hi hi hi et d’un cheveux pour réaliser ton vœux »
Aïe !!! Vivement que je sois chez moi pense-t-elle…
« ha ha ha, voilà, voilà attends juste qu’on en ai trois… je suis Line la coquine et voilà Tiche la fortiche, Minité a été enlevée et le troisième cheveux servira à la délivrer, hé hé hé, nous sommes les Fées, les gentilles Fées»
- Aïe, aïe, aïe !!! Vous me faites mal !!! Qui a enlevé votre compagne ?
« Les vilains nains pour fêter Samain et si tu ne te sauve pas le gros t’attrapera !! Allez, maintenant, sauves-toi ! ha ha ha !! »
La porte du salon vient de s’ouvrir à toute volée. Maman, tu es là ?? Je te croyais en balade…
Elle sursaute en se redressant dans son fauteuil. Mais oui, elle est bien dans son fauteuil, chez elle et Frisette gémit à ses pieds.
- J’ai dû m’endormir après déjeuner…
Elle se lève… Aïe ! Elle a les fesses toutes endolories, une mauvaise position sans doute. Elle se passe machinalement les mains sur les fesses…
- Mais qu’est-ce que…
Elle a les mains pleines de boue et quelque chose est tombé de ses genoux.
Elle se baisse et ramasse deux petits bouts de tissus chatoyants et doux…